Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Pensées éphémères
25 mars 2008

Et si nos actions n'étaient que fiction

Nous sommmes étendus dans le lit, mon corps nu contre ton corps nu et nous pensons aux nuages noirs, aux cimetières flottants, aux ricanements de la mort et du destin, qui, en vérité, ne font qu'un. Tu parles de bonheur comme une possibilité. Or ce n'est même pas un rêve. Lui aussi est mort. Lui aussi est là-haut. Tout s'est réfugié là-haut. Et quel vide ici-bas ! C'est là-bas la vraie vie. Ici il n'y a rien. Ici, c'est le désert aride. Le désert dépourvu de mirages. C'est la gare où l'enfant oublié sur le quai voit ses parents emportés par le train. Et la fumée noire du train est là, à leur place. La fumée c'est eux. Le bonheur ? Le bonheur pour l'enfant serait que le train fasse marche arrière. Seulement, tu connais les trains, ils vont toujours de l'avant. Seule la fumée revient en arrière. Oui, quelle gare horrible est la nôtre ! Les hommes qui comme moi s'y trouvent devraient y demeurer seuls. Ne pas laisser la souffrance en nous venir au contact des autres hommes. Il ne faut pas leur communiquer le goût âcre, le goût de nuage-fumée que nous avons dans la bouche. Tu dis "l'amour". Et tu ignores que l'amour est lui aussi parti dans le train qui est monté droit au ciel. Maintenant, tout est transféré là-haut. L'amour, le bonheur, la vérité, la pureté, les enfants au sourire gai, les femmes au regard mystérieux, les vieillards à la démarche lente, et les petits orphelins aux prières angoissées. Voilà l'exode véritable. L'exode d'un monde à l'autre. Nos morts à nous emportent l'avenir de leurs descendants. Rien n'est resté ici-bas. Et tu parles d'amour ? Et tu parles de bonheur ? Les autres parlent de justice universelle ou pas, de liberté, de fraternité, de progrès. Ils ne savent pas que la planète s'est vidée et qu'un train immense a tout emmené au ciel.

Text : Elie Wiesel - Le jour

Publicité
Publicité
Commentaires
Pensées éphémères
Publicité
Publicité